Le saut en élastique au pont de l'Artuby dans les hautes-Alpes
Mes 46 ans
J-281 - Nous sommes le 10 décembre 2004. Le temps est magnifique. Le ciel d'un bleu azur, reçoit l'humidité marine au large des cotes. Sur la plage, des joueurs s'adonnent au volley ball. Pour mes 46 ans, Stéphanie m'entraîne à déjeuner dans un restaurant en bord de plage, à Carnon.
Le soir même, nous sommes invités chez Caro et Jérôme, des amis montpelliérains. La soirée se déroule agréablement jusqu'au moment des cadeaux.
Jérôme m'offre un grand paquet plat sans forme, comme à son habitude.
Bien entendu, je suis tout autant pressé de l'ouvrir que sont Caro et Jérôme de voir ma tête.
Il savent tous les deux mon coté casse cou et excessif.
     
J'ouvre le paquet pour découvrir un infâme carton beige rapidement et vaguement découpé aux ciseaux. Je continue mon déballage et essai de comprendre à quoi ce bout de papier peut bien correspondre. Je le regarde de face et aperçois un petit personnage de plastique attaché au carton par un élastique. D'un coup, le carton froissé devient un splendide pont et je m'identifie au personnage bedonnant.
Mon cadeau est un saut à l'élastique à partir d'un pont. Joie et rire de voir la tête que je faisais tant que je n'avais pas compris ce geste. La discussion vient naturellement aux dates de ce saut et à l'endroit où il devra se passer. Nous ne trouvons pas de dates nous convenant et reportons cette préparation pour plus tard.

J-16 - Plus tard, c'est le mot. Neuf mois après cet anniversaire, nous convenons de sauter du plus haut pont d'Europe permettant cette discipline. Un accouchement aux forceps me direz-vous. Oui, mais l'important était de nous décider. Pour cette occasion, j'invite mes enfants, Emilie et Brice, Stef, mon amie. Tous les cinq prenons rendez-vous pour le samedi 17 septembre 2005 chez latitude challenge, pour sauter à partir du pont de l'Artuby, dans les Hautes-Alpes.

J-1 - La veille au soir, rendez-vous chez Caro et Jérôme pour mettre au point les derniers préparatifs devant une pina colada. Nous regardons la carte. C'est à 300 Km de Montpellier et il faut compter 3 heures 30 mn de route. En plus, Nous devons nous arrêter à Nîmes pour prendre Brice et Emilie qui habitent chez leur mère. Le rendez-vous est à 9h30 au pont de l'Artuby. Aie, aie, aie, Mauvaise nouvelle. 9h30 moins 3h30 égale 6 heures. Plus l'arrêt de 30 minutes à Nîmes pour les enfants. Plus prendre Jérôme chez lui, une demi heure. Mais ça nous fait me lever aux aurores!!! Je veux bien être un aventurier mais . . . . trop c'est trop. Départ à 5 heures du matin, ils sont devenus fous ???
Toute la journée, je leur rappelle de téléphoner pour décaler le rendez-vous, mais Jérôme ne trouve jamais le temps d'appeler le centre de saut. Pourtant, IL le sait bien que c'est trop tôt pour moi. C'est mon anniversaire bordel ! ! ! Je préviens mes enfants qu'ils doivent se lever tôt. Pour eux, pas de problèmes. Ils sont heureux . . . Ils sont tous devenus fous. Le repas du soir se passe chez jérôme. Je suis un peu tendu. Mais pourquoi, il ne les a pas appelé. C'est pas cool. Minuit, déjà. Il est temps de partir se coucher. Et puis d'un coup, le soleil apparaît. C'était une farce. Tous le monde était dans la combine pour me faire marcher. Jérôme et Caro, Stef. Et même mes enfants sont dans la confidence. Quand votre propre sang vous abandonne. . . . Mais, mais alors, j'm'ai fait eu. Tu te foutes d'ma gueule. Et bien, ça promet pour demain. Enfin, nous avons rendez-vous vers midi seulement. Je vais pouvoir dormir un peu.


Envole toi, envole toi, envole toi

Mon fils, veux tu bien laisser ma chérie tranquille ! ! !

Jour J - A 6 h 15 du matin, c'est le lever. Après une bonne douche et un café, nous partons chercher Jérôme chez lui. Il est prêt. Tant mieux. Nous n'aurons pas à attendre. Nous partons par l'autoroute de Nîmes. Là encore, les enfants sont prêts. Pas d'attente. Nous voila enfin parés pour l'aventure. Quelques nuages en direction de l'est sont visibles. Mais le soleil pointe son nez (Et oui, émilie, ce n'était pas la lune ! ! ! ). Tout commence bien. Nous reprenons l'autoroute en direction d'Aix en Provence, puis jusqu'à draguignan.

Ma chérie, veux tu bien laisser mon fils tranquille ! ! !
Maintenant, la route devient sinueuse. C'est Jérôme qui a pris le volant depuis Nîmes. Il roule trop à gauche. Ce serait bête d'avoir un accident de la route. Nous sommes des aventuriers, pas des chauffards. Les paysages défilent devant nous jusqu'à un petit producteur de fromages de chèvre et de brebis. Nous profitons de cet arrêt pipi pour faire quelques achats de fromages. Le producteur nous fait visiter sa bergerie. Cette halte ravie tout le monde et c'est le coeur heureux que nous repartons. Un nouvel arrêt dans une superette nous permet de terminer nos achats pour le casse-croûte de midi.
Cette fois, c'est parti. Direction le pont de l'Artudy. C'est au sortir d'un virage, dans un cadre magnifique que nous appercevons le pont. En son milieu, une agitation autour d'un stand nous indique que nous sommes arrivé à destination. Après avoir garé la voiture sur le parking à l'entrée du pont, nous rejoignons l'équipe Latitude Challenge pour nous inscrire.
Une musique assourdissante et de mauvaise qualité agresse nos tympans. L'ambiance est bonne enfant. Nous nous dirigeons vers les inscriptions, une petite table faisant office de bureau. C'est ici que nous devons remplir une décharge de responsabilité et payer. Maintenant, il faut gérer l'attente. Un groupe de jeunes vient de nous passer devant le nez. On va bien voir comment cela se passe.
Pendant ce temps, Brice coure dans tous les sens. Il s'est emparé du camescospe de Jérôme et filme tout ce qui bouge. Je trouve qu'il s'attarde un peu trop sur Stéphanie. C'est nous les vedettes quand même . . . .
Pendant ce temps, Jérôme et moi commençons à monter en pression. Une question capitale apparaît. Mais qui va sauter le premier. Nous nous départageons au jeu de pierre, puit, feuille. Je gagne deux manches. Mauvais perdant, Jérôme essaie de me jeter par dessus le pont, mais, ses petits bras flanchent devant ma corpulence. Jérôme abandonne.
C'est donc moi qui mourrai le premier. Nous tournons en rond comme des fauves en cage. On piétine sur place. No visages sont tendus. Quelques blagues pour dissiper notre appréhension signalent notre crispation. Les sauteurs disparaissent derrière le pont les uns après les autres. Mais ils sont aussi fous que nous. Ce sont des malades.
Voici qu'on appelle Jérôme pour se préparer. Il enfile le harnais et les serres tibia. Maintenant, c'est mon tour. L'heure approche de savoir qui de nous sautera, sautera pas. L'équipe de Latitude challenge nous mets en condition. Quelques bagues douteuses font l'affaire. On m'appelle. C'est à mon tour de sauter.
Mais coup de théâtre. Je suis trop lourd. Il faut doubler l'élastique. Il en sortent un second plus fin d'un sceau. Du talc s'échappe à mesure qu'on extrait l'élastique de son bidon. Voila, le matériel est prêt. Je suis relié au monde des vivants par deux élastiques de trente mètres. Ca devrait secouer. Je monte sur l'escabeau et accède au parapet avec l'aide de deux membres de l'équipe. L'instant est difficile. Devant moi, 182 mètres de vide. Le paysage des gorges du Gardon est magnifique. Tout en bas, un petit carré vert. C'est le lieu de réception. Mais, il est tout petit ce bout de toile. Hooo..., que c'est haut. Hiiiiiiiisse et haut.
A ma droite, j'entends compter. Et Un, ... et deux,... Pas le temps d'attendre j'ai rendez-vous avec l'adrénaline. Je m'élance. Advienne que pourra. Stef crie son amour, mais je ne l'entends pas. Je veux réussir mon saut. Les bras écartés vers l'avant, les mains ouvertes, 30 mètres de chute libre avant que l'élastique commence à freiner ma chute. Le sol se rapproche vite, trop vite. L'élastique se tend. Mais, que se passe-t-il. Me voila remontant sous le pont. Nouveau moment d'apesanteur qui ne dure qu'une fraction de seconde. Je ne suis plus qu'un pantin brinquebalé aux grés des tensions de l'élastique. Je redescends vers le sol. Mon corps tourbillonne, Mais où suis-je ? Ha, le pont. Ce doit être le haut. Et Emilie, j'espère qu'elle filme le spectacle. Je remonte de nouveau. Ca ne s'arrêtera donc jamais ? J'attrape la sangle pour me plier en deux. La photo, il faut que je fasse un coucou à ceux que je viens de quitter sur le pont.
 
Le yoyo commence à se stabiliser. La descente vers le petit carré vert peut commencer. En bas, un personnel de latitude challenge s'apprête à mes réceptionner. Quand il voit mon gabarit, il prend peur et me demande de me faire le plus léger possible. Je ferais ce que je peux. Maintenant que je touche enfin le sol, c'est le bilan. L'élastique a subits quelques dommages qui sont immédiatement réparés.
 
C'est au tour de Jérôme de sauter. Il n'hésite pas à me rejoindre 182 mètres plus bas.
Ensemble, nous prenons le sentier de la remontée. C'est un petit sentier balisé de différentes couleurs qui serpente vers le soleil. Le passage de petits précipices et l'escalade de rochers nous ramènent vers notre véhicule garé sur le parking du pont, 182 mètres plus haut. Là nous attendent les enfants et Stef, caméra au point. Trempés de sueur par la difficile remontée, nous rejoignons le groupe en vainqueurs. Nous avons dépassés nos limites. Nous sommes heureux.

Et suprème récompence, nos certificats de saut, preuve s'il en ai, de la folie de ces deux énergumènes.

Adieu pont de notre insouscience, toi qui nous a offert quelques instants de plaisirs.